Optimiser les traitements phytosanitaires de la vigne
Depuis 2008, les plans Ecophyto successifs visent la réduction de l’usage des produits phytosanitaires et la suppression progressive des molécules présentant un risque élevé. L’objectif est d’aider le monde viticole à changer de pratiques et/ou de systèmes afin de s’affranchir le plus possible des produits phytos et de se tourner vers une viticulture à la fois productive et plus respectueuse des personnes et de l’environnement.
Dans ce cadre, les acteurs du monde viticole et la recherche œuvrent chaque jour pour proposer des solutions. Dans cet article, découvrez les trois axes de travail principaux qui peuvent être présentés aujourd'hui.
1. Jouer sur l’efficience du matériel de pulvérisation utilisé
Afin de diminuer l’impact environnemental des traitements phytosanitaires, il est possible d’agir sur l’optimisation du processus de pulvérisation et sur les techniques d’application des produits. Cela passe par le choix d’un matériel performant, choix qui peut être assisté par l’outil Performance Pulvé®. Cet outil, issu des travaux de l’IFV et de l’INRAE, est destiné à la profession viticole et propose des notations sur la qualité d’application des pulvérisateurs et sur leur potentiel en réduction des doses d’intrants appliquées. Chaque matériel évalué est classé parmi 7 classes de performance, la première étant la plus performante. On recommande de choisir un matériel situé dans l’une des 4 premières classes.
Le choix du matériel peut aussi se porter sur des pulvérisateurs limitant la dérive, et donc les pertes de produits vers l’air et l’environnement.
Parmi les techniques existantes, il peut être intéressant de se tourner vers l’une des suivantes :
- Les pulvérisateurs face par face, qui ciblent directement et de manière régulière les deux faces des rangs de vigne, permettant une protection fiable et une optimisation des quantités apportées.
- Parmi ces derniers, la pulvérisation confinée, en particulier, permet de réduire de manière significative les pertes de produits par l’usage de panneaux récupérateurs. En effet, lorsque les embruns traversent le rang, ils sont récupérés par le panneau présent de l’autre côté au lieu d’être perdus. Le produit ainsi récupéré est réinjecté dans la cuve à l’aide d’une pompe et pourra être à nouveau pulvérisé. Selon l’IFV, on estime le taux de récupération moyen à 40%, celui-ci pouvant varier au cours de la saison (environ 70% sur les premiers traitements, lorsque la vigne est moins vigoureuse, puis plus faible en fonction de la croissance du végétal).
- Les buses à injection d’air, dites antidérive, qui permettent de pulvériser le produit sous forme de grosses gouttelettes, moins sensibles à la dérive qu’avec une buse à fente classique.
Outils pratiques :
- Pour analyser la performance de son pulvérisateur ou choisir un matériel efficient : https://www.performancepulve.fr/
- Pour identifier et réduire les risques de dérive : https://topps-drift.org/vineyard/
2. Optimiser les quantités apportées
Plusieurs critères sont à prendre en compte pour déterminer la dose à l’hectare de produit phyto à utiliser : pression de la maladie, stade phénologique, surface de végétal à protéger… Le principal levier pour réduire les doses d’intrants est donc l’amélioration de la connaissance :
- Fiabilité des prévisions météorologiques et climatiques à des échelles plus fines.
- Connaissances sur les maladies de la vigne pour définir de nouvelles stratégies de traitement.
- Informations complémentaires (historique, données agronomiques et phénologiques etc.) pour améliorer l’évaluation des risques et le positionnement des traitements.
Différents axes de travail sont explorés par l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) dans ce sens.
Dans la pratique, plusieurs solutions existent aujourd’hui pour réduire la dose de traitement :
- Se tourner vers des variétés et clones plus résistants à certaines maladies, ce qui permet de réduire le nombre de traitements.
- Favoriser des modes de culture moins sensibles aux maladies, par exemple en limitant la vigueur (raisonnement des apports azotés, enherbement permanent), ou en raisonnant les rognages pour éliminer la jeune végétation sensible au mildiou.
- Mobiliser la viticulture de précision : elle doit permettre, à terme, d’analyser un grand nombre de données fines afin d’optimiser les traitements à l’échelle intraparcellaire.
- Substituer une partie du désherbage chimique par du désherbage mécanique.
Outils pratiques :
- Optidose, un outil permettant d’adapter la dose de produit phyto : https://www.vignevin-epicure.com/index.php/fre/optidose2/optidose
- Recommandations de pratiques spécifiques à certaines maladies : Note technique commune sur la gestion de la résistance aux maladies (2024) : https://www.vignevin.com/wp-content/uploads/2024/01/Note-technique-commune-vigne-2024-VDef.pdf
3. Se tourner vers une alternative aux phytos : le biocontrôle
Le biocontrôle désigne des solutions dont le fonctionnement est basé sur des mécanismes naturels d’interactions au sein du vivant et dont l’objectif est la protection intégrée des cultures. Parmi elles, on trouve plusieurs catégories d’agents :
- Les macro-organismes tels que les insectes ou encore les invertébrés. On peut notamment citer l’exemple de la coccinelle qui se nourrit des pucerons et régule ainsi leur population.
- Les produits phytopharmaceutiques :
- Micro-organismes (bactéries, levures, champignons, virus, etc.), comme la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt) communément utilisée pour lutter contre la pyrale du buis.
- Médiateurs chimiques (phéromones, kairomones). Il est par exemple possible de diffuser des molécules proches des phéromones sexuelles émises par les femelles afin de perturber les mâles : ils ne parviennent pas à localiser les femelles et la population de ravageurs ne peut plus se multiplier.
- Substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale : le petit lait a par exemple une action fongicide.
Ces produits visent non pas l’éradication des populations d’agresseurs, mais leur gestion équilibrée, à travers par exemple la stimulation des défenses immunitaires des plantes, une action répulsive, une confusion sexuelle, une modification du milieu, etc. Leur utilisation est en général associée à des changements de pratiques (sélection variétale, modification du système de production, etc.).
La recherche est très active sur le sujet du biocontrôle. Des résultats de l’IFV sur l’efficacité de certaines solutions sont disponibles sur le lien suivant : https://www.vignevin.com/reductions-intrants/methodes-alternatives/