Devenir employeur de main-d’œuvre : un chemin de changement de posture pour le chef d’entreprise
Signer son premier contrat d’embauche ou dépasser un seuil clé dans le nombre de collaborateurs est une étape marquante dans la vie d’un chef d’entreprise. Ce moment peut être perçu comme un accomplissement majeur, le symbole d’une croissance souhaitée et maîtrisée. Pourtant, pour d’autres, cette transition est synonyme de stress, de doutes et même de peur en lien avec de mauvaises expériences passées ou d’un environnement ayant vécu des expériences traumatisantes.
Pourquoi ces impressions si contrastées ? Tout simplement parce que devenir employeur n’est pas seulement une décision administrative ou financière : c’est un véritable cheminement personnel et professionnel. Cette transformation demande un ajustement de posture, une redéfinition de son rôle dans l’entreprise et une gestion différente de son temps et des priorités.
Dans cet article, nous allons explorer pourquoi l’embauche d’un salarié (ou le passage d’un seuil d’effectif) peut être un tournant difficile. Nous aborderons également les trois grandes questions à travailler pour réussir cette transition : la posture personnelle, l’évolution de son rôle et la gestion du temps.
Pourquoi devenir employeur peut être une étape délicate ?
Un moment de transformation personnelle
Devenir employeur ne se limite pas à signer un contrat de travail ou à gérer un processus de recrutement. C’est une étape qui exige de prendre du recul sur soi et de revisiter son rôle dans l’entreprise en définissant ce qui sera confié au nouveau collaborateur. Nombreux sont les chefs d’entreprise qui, en embauchant leur premier salarié, découvrent une nouvelle facette de leur activité qu’ils n’avaient pas anticipée : le management de l’humain.
Or, cela peut être source de stress pour plusieurs raisons :
- Perte de contrôle : Déléguer implique de faire confiance à quelqu’un d’autre pour réaliser des missions et tâches jusqu’alors réalisées par soi-même. Cela peut générer des peurs liées à la qualité du travail, au respect des délais ou aux méthodes utilisées.
- Peur de se tromper : Embaucher c’est certes recruter des compétences mais c’est également choisir une personne qu’il faudra manager. Et il est légitime de s’interroger la manière dont la relation se développera : seront-nous compatibles ? Allons-nous nous comprendre, nous entendre ?
- Changement d’équilibre financier : Le recrutement d’un salarié représente un investissement important. Il faut s’assurer que la croissance de l’activité ou la rentabilité de l’entreprise permettra de supporter ce coût supplémentaire.
- Adaptation nécessaire : Manager un salarié ou une équipe nécessite des compétences différentes de celles utilisées dans la gestion purement technique ou commerciale de l’entreprise.
Une source de stress ou un tremplin vers la réussite
Le ressenti face à cette transition dépend souvent de deux facteurs clés :
- La préparation en amont : Avez-vous pris le temps de réfléchir à ce que vous attendez de cette embauche, tant pour vous-même que pour votre entreprise ?
- Votre posture personnelle : Êtes-vous prêt à changer de rôle, à accepter les ajustements que cela implique et à faire le seuil de tâches et de missions qui seront désormais réalisées par le nouveau collaborateur ?
C’est ici que le véritable travail commence.
La première étape : questionner sa posture personnelle
Avant même de lancer un processus de recrutement, il est essentiel de se poser les bonnes questions sur sa propre posture. Devenir employeur, c’est accepter de passer d’un rôle centré sur l’action à un rôle plus orienté vers le management et la stratégie. Ce n’est pas toujours évident, surtout pour les chefs d’entreprise passionnés par leur métier.
Se poser les bonnes questions
1. Ai-je vraiment envie de déléguer ?
Certaines tâches et missions que vous réalisez aujourd’hui sont probablement des sources de plaisir ou de satisfaction personnelle. Déléguer ces missions peut provoquer un sentiment de perte, voire d’inutilité. Il est important de distinguer les tâches que vous aimez faire de celles que vous pourriez transmettre à quelqu’un d’autre sans regret.
2. Suis-je prêt à manager ?
Manager quelqu’un, ce n’est pas simplement lui donner des consignes. Cela signifie également écouter, accompagner, former et parfois gérer des tensions voire des conflits. Ces responsabilités ne conviennent pas à tout le monde et demandent une certaine aptitude relationnelle et surtout une envie pour le faire.
3. Puis-je accepter que cela ne soit pas fait comme moi je le fais ?
Votre futur collaborateur aura ses propres manières de faire, qui ne seront pas toujours identiques aux vôtres. Apprendre à lâcher prise est une étape essentielle dans la réussite de cette transition.
Le passage de "solopreneur" à employeur marque un changement profond. Ce n’est plus uniquement vos compétences personnelles qui déterminent la réussite de votre entreprise, mais aussi celles de votre équipe. Cela peut être une transition difficile à accepter pour les entrepreneurs très impliqués dans l’opérationnel.
Si je suis dans un cadre de passage d’un seuil d’effectif, le changement de posture peut porter sur 2 points :
- Le fait que ma relation avec mes collaborateurs historiques va évoluer : plus mon équipe s’étoffe, moins j’ai de temps à accorder individuellement à chacun. Cela impose une autre façon de manager qui peut être frustrante ou devenir trop consommatrice de temps.
- Si le nombre de personnes à manager en direct devient trop important, alors je vais devoir mettre en place des managers intermédiaires, des personnes qui géreront les équipes à ma place. Je deviens un manager de managers. Et mon rôle va évoluer : je dois m’assurer que les équipes maintiennent le niveau de performance attendu en délégant les moyens pour y arriver mais en perdant le lien direct avec le quotidien de l’activité.
💡Conseil pratique : Prenez le temps de réfléchir aux missions que vous souhaitez déléguer et à celles que vous voulez conserver. Une réflexion claire sur vos priorités facilitera cette transition. Se faire accompagner peut permettre de prendre conscience de là où vous en êtes dans votre réflexion.
L’évolution du rôle : redéfinir ses missions
Une fois la décision d’embaucher prise, une nouvelle question se pose : quelle sera ma place dans l’entreprise une fois certaines tâches déléguées ?
De nouvelles missions à embrasser
L’embauche d’un collaborateur vous libère normalement du temps, mais ce temps doit être utilisé de manière productive. Voici quelques exemples de missions stratégiques que vous pourriez reprendre ou développer :
- Travailler sur la vision à long terme : Laisser l’opérationnel à votre équipe vous permet de vous concentrer sur des projets stratégiques et sur la direction que vous souhaitez donner à votre entreprise.
- Développer de nouveaux marchés : Ce temps libéré peut être consacré à explorer de nouvelles opportunités commerciales ou à renforcer votre présence dans des segments déjà existants.
- Structurer et optimiser les processus internes : Avec une équipe grandissante, il devient crucial de mettre en place des processus efficaces pour garantir la cohérence et la productivité.
Ce temps dégagé peut également vous permettre de prendre soin de vous, de rééquilibrer votre temps entre votre vie professionnelle et votre vie personnelle voire de construire votre réseau et de vous former.
Êtes-vous prêt à ces nouvelles responsabilités ?
Ces nouvelles responsabilités peuvent être enthousiasmantes pour certains chefs d’entreprise, mais elles peuvent également provoquer des doutes, notamment si ces missions s’éloignent de leur domaine de compétence ou de ce qu’ils aiment faire.
💡Conseil pratique : Si vous n’êtes pas à l’aise avec ces nouvelles missions, envisagez de vous former et de vous faire accompagner par un coach. Cela peut vous aider à gagner en confiance et en efficacité et surtout d’embrasser ce nouveau rôle avec qui vous êtes, votre mode de fonctionnement, vos valeurs et vos compétences.
La gestion du temps : un enjeu central
L’embauche d’un collaborateur modifie également votre gestion du temps.
Le temps investi dans le management
Recruter un salarié, ce n’est pas seulement l’embaucher, c’est aussi :
- L’intégrer dans l’entreprise et notamment lui permettre de s’approprier la culture et les valeurs de l’entreprise
- Le former sur vos méthodes, vos process et vos outils.
- Suivre son travail et lui donner des retours constructifs.
Cela représente un investissement en temps, particulièrement dans les premiers mois. C’est la période d’essai qui est une période clé pour la réussite d’une embauche.
Une organisation à revoir
Pour réussir cette transition, il est nécessaire de revoir votre organisation personnelle. Voici quelques recommandations :
- Avoir du temps pour anticiper : Prévoyez l’organisation du travail « normal » mais également les alternatives au cas où.
- Dédier des plages horaires au management : Planifiez des moments spécifiques pour échanger avec votre collaborateur et suivre son travail.
- Automatiser certaines tâches : Si possible, utilisez des outils ou déléguez pour réduire le temps passé sur les aspects administratifs liés à l’embauche.
- Protéger votre temps personnel : Avec ces nouvelles responsabilités, il est crucial de continuer à préserver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
💡Conseil pratique : La gestion de son temps doit prendre en compte les missions qui relève de mon rôle. Cela doit prendre en compte des temps d’activités planifiés mais également avoir du temps pour gérer les imprévus car gérer les imprévus fait partie de mon rôle.
Devenir employeur : un chemin d’évolution personnelle
Devenir employeur, ce n’est pas seulement une évolution professionnelle, c’est aussi un chemin de développement personnel. Cela vous oblige à :
- Redéfinir votre rôle : Vous passez d’homme-orchestre à chef d’orchestre.
- Accepter l’inconnu : Chaque collaborateur apporte une nouvelle dynamique à l’entreprise, avec ses forces et ses domaines de vigilance.
- Grandir en tant que leader : Être employeur, c’est apprendre à inspirer et guider une équipe, tout en restant aligné avec vos valeurs.
Et dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, surtout dans certains secteurs d’activité et/ou de région, le pouvoir dans la négociation est au postulant et non à l’employeur. Vais-je réussir à avoir une proposition d’emploi et une entreprise attractive ? Vais-je accepter que la motivation et les attentes des candidats soient différentes des miennes ? Mes critères de recrutement sont-ils clairs pour moi ? Suis-je prêt à recruter quelqu’un qui ne répond pas complètement à ma vision du collaborateur idéal ? Et au final, suis-je prêt à investir du temps et de l’argent dans un investissement dans un nouvel outil de production qui s’appelle le facteur humain ?
Conclusion
Devenir employeur de main-d’œuvre est une étape cruciale et source d’évolution personnelle. Bien qu’elle puisse susciter de légitimes appréhensions, elle constitue avant tout une opportunité de croissance pour votre entreprise et pour vous-même en tant que dirigeant. En prenant le temps de travailler sur votre posture, de redéfinir votre rôle et d’ajuster votre gestion du temps, vous pourrez aborder cette transition avec plus de sérénité.
Ma dernière recommandation : N’hésitez pas à vous entourer de professionnels à chaque étape de ce parcours, à échanger avec d’autres managers et chefs d’entreprise et à demander à être accompagné si vous en ressentez le besoin. Être bien entouré est souvent la clé pour faire de cette étape une véritable réussite.